jeudi 28 janvier 2016

la trahison

« Oncques ne vit telle perfidie commise, ma foi, je vous le dis ! Hier, au soir quand était venu le temps de consigner par écrit les faits édifiants de la journée, notre serviteur fidèle, féal entre tous, nous laissa choir et nous fûmes fort dépourvus, abandonnés en rase campagne et sans moyen de communication !

Lors, nous fîmes écarteler le renégat pour en faire un exemple, et nous ordonnions de prélever les viscères les plus nobles, le cerveau, et les plus viles, l'estomac et les tripes, pour les faire porter au médecin qu'il s'en enquisse et nous pût dire ce qu'il en échoit. Cela faisait aussi un exemple et montrait à tous que la traîtrise était impitoyablement châtiée !

supplice de l'écartélement infligé à Saint Hippolyte (source wikiédia)

L'homme de l'art se mit prestement au labeur. Il s'enquit d'abord du cerveau. Il ne pouvait en percevoir le fonctionnement mais il savait comment y était sa mémoire des faits et gestes. Il la tourmenta fort et en toute extension possible, et son jugement tomba : cette mémoire là n'était point corrompue et témoignait assurément que les actes du triste sire n'était point de son plein gré. Une magie noire était à craindre !

Les viscères furent confiées à un chirurgien pour examen. Il se disait que l'homme faisait déterrer des cadavres pour les soumettre à son scalpel. C'était là racontars, mais ils avaient convaincu notre personne que ce quidam était celui qu'il nous fallait. Le praticien examina comme il convenait l'estomac et les organes associés en dehors de notre présence mais sa conclusion était formelle : ces organes-là étaient sains et nul esprit vicié n'y résidait, nulle lésion n'y était détectable et rien de suspect ne s'étaient présenté ni à ses yeux, ni à ses doigts, ni à son nez.

Le bougre semblait avoir été honnête ! Voilà qui était extraordinaire. La perspective d'une erreur judiciaire monumentale ne nous effraie guère d'habitude plus que de raison d’État mais cette fois-ci le sentiment de trahison vis à vis de son fidèle serviteur s'y mêlait, et nous ne pouvions pas nous en laver les mains comme cela.

Aussi fîmes nous mander nos alchimistes, car le remède à tout ceci semblait ne pouvoir procéder que de leurs talents. Il y avait même parmi eux certains qu'on disait nécromanciens. Ces docteurs réunis ne tardèrent pas à tenir colloque à huis clos. La conversation dût aller bon train. Ils nous demandèrent de faire mander notre barbier. L'homme a, me dirent-ils, toute ma confiance et et d'une habileté exceptionnelle. Il est rompu à la petite chirurgie réparatrice et sait assez satisfaire sa clientèle. Il diffère en cela des chirurgiens qui savent mieux découdre que recoudre, et qui ont une trop haute opinion d'eux-mêmes pour la besogne qu'ils lui réservent !

En effet, il nous fut affirmé que la résurrection de notre serviteur était tout à fait envisageable pourvu qu'on sache en réparer les chairs comme si jamais il n'avait été démembré et autrement mis en pièces. C'est là le miracle que l'on attendait de notre barbier ! Habile et tenace, habitué à recoudre les blessures, notre précieux auxiliaire fut affairé et zélé et en quelques heures, le pauvre serviteur fut reconstitué d'une façon admirable. Certes, les coutures étaient là, nombreuses, mais les chaires étaient aussi bien contiguës qu'il se pouvait rêver qu'elles le soient, et tout cela était diantrement prometteur.

Le chef des alchimiste fit récupérer le corps, et il faut procédé à la cérémonie secrète de nécromancie à laquelle nous n'avons point été invité et dont nous ne savons rien que le résultat qu'elle produisit. Mais quel résultat !

Non seulement notre fidèle homme de confiance était revenu d'entre les morts, mais il en était revenu sans aucune cicatrise ni aucune contusion ni rien d'autres de ce qu'on pouvait encore voir sur le corps que le barbier avait su reconstituer, comme si jamais rien de funeste ne lui était arrivé. Nous ne savons guère quelle magie a opéré, mais elle et trop prodigieuse pour que nous songions à chercher querelle religieuse aux hommes de l'Art capable d'une telle prouesse. Trop ravi, nous avons ordonné à notre ressuscité comme à l'accoutumé. Et pour notre conscience et l'expression de notre reconnaissance au-delà des espèces sonnantes et trébuchantes que nous avions déjà distribué aux acteurs de ce haut fait, nous avons fait donation à notre sainte mère l’Église pour que soit dite à perpétuité une messe quotidienne d'action de grâce en l'honneur de tous les Saints, car il est sûrement indéniable qu'ils faille tous les remercier de leur intercession auprès du Seigneur, car ces choses-là ne peuvent autrement s'expliquer. »


Voilà certes une bien étrange façon pour un homme du vingt et unième siècle de décrire comment son ordinateur si efficace et si docile depuis de nombreuses années l'a soudain accueilli par une incapacité à démarrer. Seulement l'écran avec le logo du constructeur, pas de chargement de grub le chargeur d'amorçage, pas de possibilité d'entrer dans le setup du bios ou dans l'écran de choix du périphérique de démarrage ou même de faire une remise à zéro avec le célèbre control-alt-del. Rien d'autre que ce logo. Et aussi pour dire que ce qui fut fait fut de démonter la machine, un nettop qui a dû perdre presque toutes ses vis pour donner accès aux seuls composants accessibles et impliqués ; la barrette de mémoire et le disque SSD. Car si eux étaient testés en état de marche, si en remontant la machine le diagnostic était confirmé, ce serait à coup sûr que la carte mère ou le processeur était en faute et il aurait fallu se procurer une autre machine en remplacement. Le test de la mémoire sur une tierce machine révéla une mémoire sans aucune erreur. Le disque SSD fut capable de lancer très correctement son linux sur un autre ordinateur. Il fut donc procédé au remontage, et là tout marcha du premier coup ! Sans doute la barrette de mémoire avait-elle était un peu déplacée de son emplacement, un faux contact aboutissant au diagnostic. Rien n'avait été fait d'autre et maintenant tout marchait comme avant. Juste un peu de temps de perdu et ce n'était pas bien grave en vérité.

3 commentaires:

  1. Réponses
    1. Comme quoi toute petite mésaventure peut amener à créer un petit quelque chose qu'on n'aurait pas créé autrement. Et ma foi, que cela ait plu à au moins une personne est ma récompense !

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